Le 4 Mai 2021, les parlementaires belges Samuel Cogolati et François de Smet ont conjointement posé des questions concernant la situation dans les prisons bahreinies et l’épidémie de Covid-19 en leur sein. Ces questions faisaient suite à celles posées par la membre du Parlement Sabine de Béthune, le 2 Mai 2021.
Question écrite posée par la parlementaire Sabine de Bethune
Elle a soumis quatre questions demandant à savoir si la Belgique avaient exhorté les autorités bahreinies à: stopper toutes formes de violence et d’intimidation à l’encontre des défenseurs des droits humains et des activistes politiques; réintroduire le moratoire de la peine de mort; demander la libération immédiate et inconditionnelle des activistes détenus pour des motifs liés à la liberté d’expression; fournir au prisonniers un accès aux soins médicaux.
La justification de ses questions a été catégorisée comme étant “ces libertés constitutionnelles concernant à la fois le niveau fédéral que communautaire”.
Ces questions étaient les suivantes :
“Le 14 février 2020, le Sénat a adopté une résolution relative aux droits de l’homme à Bahreïn (doc. Sénat, n° 7-142/2).
Cette résolution visait à attirer l’attention sur les campagnes de répression et de persécution à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme et des activistes politiques. Elle faisait en outre explicitement référence à la peine de mort, qui est à nouveau d’application à Bahreïn.
Au cours de l’année écoulée, Bahreïn a également refusé l’accès à son territoire à plusieurs organisations de défense des droits de l’homme comme Amnesty International et Human Rights Watch. Selon certaines informations, les détenus n’ont pas accès aux soins indispensables, et ce malgré l’apparition de foyers de Covid-19 dans les prisons.
La protection des droits de l’homme et le respect de la Déclaration universelle des droits de l’homme sont deux choses essentielles.
Je souhaiterais dès lors poser les questions suivantes :
1) La Belgique a-t-elle insisté auprès des autorités bahreïniennes pour qu’elles mettent fin à toutes les formes de violence et d’intimidation à l’encontre des activistes des droits de l’homme et des activistes politiques ?
2) La Belgique a-t-elle insisté auprès des autorités bahreïniennes afin qu’elles rétablissent le moratoire sur la peine de mort ?
3) La Belgique a-t-elle insisté auprès des autorités bahreïniennes afin qu’elles procèdent à la libération immédiate et inconditionnelle des activistes emprisonnés sur la base d’accusations liées à l’exercice de leur droit à la liberté d’expression ?
4) La Belgique a-t-elle insisté auprès des autorités bahreïniennes pour qu’elles permettent aux détenus d’accéder aux soins de santé ?”
Le texte officiel est accessible ici.
Questions orales et inquiétudes soulevées par les parlementaires Samuel Cogolati et François de Smet
Samuel Cogolati et François de Smet ont posé leurs questions à Sophie Wilmès, Ministre belge des Affaires Étrangères. Dans leurs questions, ils font référence à une alerte lancée par Amnesty International concernant la détérioration des droits humains à la prison de Jau, spécifiquement depuis le début de l’épidémie de Covid-19. En particulier, ils parlent de “surpopulation carcérale, absence de mesure de prévention et conditions de vie inquiétantes.”
Dans sa réponse, la Ministre Wilmès souligne les propos du Haut-Commissaire pour les Droits Humains des Nations Unis, Michelle Bachelet, concernant en particulier les vulnérabilités des prisonniers politiques. Ensuite, elle mentionne la libération de prisonniers via le Programme de Sentence Alternative, sa rencontre récente avec le Ministre bahreïni des Affaires Étrangères, et son espoir que les circonstances autour de la mort du prisonnier politiqu Abbas MalAllah soient mises en lumière par une enquête gouvernementale. Elle cite aussi une information qu’elle a reçu du gouvernement bahreïni, précisant que les prisonniers bahreïnis avaient été testés et traités pour la Covid-19.
La retranscription officielle est accessible ici.
Les questions étaient les suivantes:
François De Smet (DéFi): Madame la ministre, nous l’avons vu dans nos prisons, il est parfois difficile de contrôler l’épidémie au sein de la population carcérale. Et pourtant, partout dans le monde, les détenus ont également des droits. Le droit à la santé et le droit à la vie sont d’ailleurs garantis par la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Selon un rapport d’Amnesty International, la situation dans la prison de Jaww au Bahreïn est alarmante et démontre, de manière saisissante, le non-respect des autorités aux règles minima de traitement et des conditions de vie des détenus qui se sont empirées depuis le début de l’épidémie.
Le rapport pose d’ailleurs certains constats consternants: surpopulation carcérale, absence de mesure de prévention et conditions de vie inquiétantes. En effet, plus de 10 détenus peuvent être emprisonnés dans une cellule conçue pour huit personnes. De plus, les détenus n’ont pas bénéficié de masques ou de produits hygiéniques, et les autorités n’ont jamais mis en place d’autres mesures de prévention.
Certes, la libération de près de 1 500 détenus en mars 2020 en raison de la pandémie était un bon pas pour aider au problème de la surpopulation carcérale. Cependant, aucun des 12 représentants de la société civile détenus injustement n’a été libéré.
Ce bafouement de leurs droits qui doivent être garantis par le gouvernement et les autorités pénitentiaires est inquiétant et nécessite, selon nous, une attention particulière de vos services.
En conséquence, Madame la Ministre:
Quelles informations détenez-vous des mesures prises par les autorités pour endiguer l’épidémie de covid-19 à la Prison de Jaww au Bahreïn? Selon vos renseignements, quelles sont les conditions de vie des détenus? Leurs droits fondamentaux sont-ils compromis?
Vous-êtes-vous entretenu avec les ambassadeurs du Bahreïn à ce sujet? Avez-vous exprimé vos craintes quant à la propagation du covid-19 et les conditions de vie des détenus?
Quels sont les leviers que vous pouvez utiliser pour aider et/ou soutenir les autorités dans le but de garantir les droits des prisonniers du Bahreïn?
Réponse orale de la Ministre Sophie Wilmès
Sophie Wilmès: Madame la présidente, monsieur De Smet, tout d’abord, je tiens à souligner que nous suivons les développements de près par l’intermédiaire de l’ambassade de Belgique au Koweït et à Bruxelles.
La Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a appelé tous les gouvernements à prendre des mesures urgentes pour protéger la santé et la sécurité des personnes en détention et dans d’autres institutions fermées, dans le cadre de l’effort global visant à contenir la pandémie de covid-19. Elle a souligné les risques importants si la pandémie se déclare dans des établissements pénitentiaires puisque la population y est très vulnérable. Elle a également appelé les gouvernements à « libérer toutes les personnes détenues sans motif légal adéquat y compris les prisonniers politiques et les autres personnes détenues uniquement pour avoir exprimé des opinions critiques ou dissidentes ».
Dans tous les contacts bilatéraux que la Belgique entretient avec Bahreïn tant au niveau administratif que politique, les droits humains sont systématiquement mis à l’ordre du jour. Ceci inclut les conditions de détention, y compris l’accès aux soins de santé en détention.
Le 9 février, j’ai eu un entretien avec le ministre des Affaires étrangères de Bahreïn. Les droits humains ont évidemment été évoqués. Depuis lors, je n’ai plus eu de réunion où l’ambassadeur de Bahreïn était présent.
J’espère que les autorités bahreïnies feront toute la lumière sur les circonstances du décès d’Abbas Malallah dans la prison de Jaww. Dans ce contexte, je me réfère aux observations finales faites par le Conseil des droits de l’homme à Genève aux autorités bahreïnies notamment sur les conditions de détention et le traitement des prisonniers. Bahreïn est lié par ses obligations en vertu de la Convention sur les droits civils et politiques qu’il a ratifiée en 2006.
En 2020, les autorités bahreïnies ont publié un décret graciant 901 prisonniers. En outre, 585 prisonniers purgent le reste de leur peine dans le cadre de programmes de réhabilitation et de formation. Plus d’un an plus tard, en avril 2021, une soixantaine de prisonniers ont été libérés dont le militant des droits humains Hussain Jawad Parweez.
Ces personnes poursuivent leur peine dans le cadre d’une détention alternative. L’apparition de la covid-19 dans la prison de Jaww a suscité l’inquiétude des membres de la famille des prisonniers. Le 28 mars, le gouvernement bahreïni a déclaré que tous les détenus qui avaient été testés positifs à la covid-19 avaient été isolés et avaient reçu des traitements adaptés et qu’ils étaient autorisés à appeler leur famille.
Ce sont là les informations que je peux vous donner.
Réponse du parlementaire De Smet à la Ministre Wilmès
François de Smet (DéFi) : Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse. En effet, les rapports qui nous parviennent d’institutions officielles mais aussi d’Amnesty International par exemple, sur les conditions sanitaires dans la prison de Jaww sont relativement alarmants.
Comme pour de nombreux autres aspects, la pandémie de coronavirus met en lumière de manière exacerbée les conditions difficiles, non seulement en Belgique mais aussi dans bon nombre de pays étrangers, comme c’est le cas dans les prisons à Bahreïn.
ADHRB apprécie les préoccupations exprimées par chacun de ces députés et reste gravement préoccupé par la situation des prisonniers politiques au Bahreïn.