Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain (ADHRB) a soumis une déclaration écrite au Conseil des droits de l’homme lors de sa 46e session concernant la crise humanitaire au Yémen et l’implication de l’Arabie saoudite et des Émirats Arabes Unis (EAU). Continuez la lecture ci-dessous pour le texte complet de la déclaration, ou cliquez ici pour le PDF.
La crise humanitaire au Yémen et l’implication de l’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis (EAU)
La Fondation Alsalam et Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc (ADHRB) saisissent l’occasion de la 46e session du Conseil des Droits de l’Homme (CDH) des Nations Unies (ONU) pour exprimer de sérieuses inquiétudes concernant la crise humanitaire actuelle au Yémen, et l’implication directe de la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis dans la création et la prolongation de cette crise. Nous sommes particulièrement préoccupés par la famine en cours, la crise économique, l’épidémie de choléra et la pandémie de COVID-19, ainsi que par les effets du conflit sur la vie des citoyens, notamment des femmes et des enfants.
La crise humanitaire au Yémen
En mars 2015, une coalition internationale dirigée par l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis est intervenue militairement à la demande du président yéménite. Ce conflit a entraîné la plus grande crise humanitaire au monde et a fait des milliers de morts et de blessés parmi les civils yéménites. Plus de 24 millions de personnes, soit environ 80 % de la population, ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence, dont plus de 12 millions d’enfants. Cette crise humanitaire a été exacerbée par la pandémie de COVID-19, car l’assainissement et l’eau potable font défaut et seule la moitié des établissements de santé du pays sont opérationnels. Ceux qui le sont encore manquent de produits de première nécessité comme des masques et des gants, sans parler de l’oxygène et des autres équippements nécessaires au traitement du COVID-19.
Le conflit a eu pour effet de priver les civils de l’accès aux services les plus élémentaires, de provoquer une crise économique, d’instaurer une culture de l’impunité parmi les forces de sécurité locales et de provoquer l’effondrement des systèmes de gouvernance, de santé, d’éducation et de justice. De plus, les violences en cours ont entraîné un grand nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI), ce qui entrave encore davantage la réponse humanitaire. Cette situation, associée à une économie détruite, à des niveaux élevés de chômage et à l’absence de salaires pour de nombreux employés du secteur public, a eu pour effet d’endetter des millions de Yéménites et de les empêcher de subvenir aux besoins de leurs familles.
L’implication directe de la coalition saoudo-émiratie dans l’aggravation de cette crise
La coalition dirigée par l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis a joué un rôle déterminant dans le déclenchement et la poursuite de cette crise humanitaire. Depuis mars 2015, la coalition a mené de nombreuses frappes aériennes indiscriminées et disproportionnées, qui ont tué des milliers de civils et décimé des structures civiles telles que des bus scolaires, des hôpitaux, des centres de détention, des usines, des fermes, des mosquées et des ponts. Selon le Yémen Data Project, la coalition a mené plus de 20 100 frappes aériennes au Yémen depuis le début de la guerre, soit une moyenne de 12 attaques par jour. Human Rights Watch a également recensé au moins 90 frappes aériennes illégales perpétrées par la coalition, dont des attaques meurtrières contre des bateaux de pêche yéménites. Celles-ci ont fait des dizaines de morts et semblent être des attaques délibérées contre des civils et des biens civils, ce qui constitue une violation directe des lois de la guerre.
En outre, les restrictions imposées aux importations par la coalition dirigée par les Émirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite ont gravement aggravé la situation humanitaire déjà catastrophique au Yémen. La coalition a activement retardé et détourné des camions-citernes, fermé des ports vitaux et interdit l’entrée de marchandises dans les ports maritimes contrôlés par les Houthis. La coalition a également bloqué le carburant nécessaire à l’alimentation des générateurs dans les hôpitaux et au pompage de l’eau dans les foyers.
Les actions de la coalition sont directement responsables de la famine qui sévit au Yémen. Le Yémen est fortement tributaire des importations puisque très peu de nourriture y est cultivée. La sécurité alimentaire du pays dépend donc fortement de l’arrivée et de la distribution des importations dans le pays, ainsi que des revenus des ménages. La coalition dirigée par l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis a sciemment et délibérément sapé à la fois l’accès de la population aux importations et aux revenus depuis le début de la guerre en 2015.
Cependant, malgré les graves violations du droit humanitaire international décrites ci-dessus, le Conseil de sécurité de l’ONU n’a utilisé son régime de sanctions que contre les Houthis. Et ce, malgré le fait que la coalition dirigée par les Saoudiens et les Émirats Arabes Unis a commis divers crimes de guerre, selon les recherches menées par le Groupe d’éminents experts internationaux et régionaux des Nations Unies et Human Rights Watch.
Propagation du choléra
Le conflit au Yémen a entraîné une crise sanitaire massive dans le pays, ce qui a permis la propagation de plusieurs maladies, dont le choléra. Plus de la moitié de la population yéménite, soit environ 17,8 millions de personnes, n’a pas accès à l’eau potable et à l’assainissement. La crise économique actuelle a entraîné une flambée des prix et une réduction du pouvoir d’achat, ce qui complique encore l’accès à l’eau potable et aux articles d’hygiène personnelle. Ces conditions aggravent le risque de malnutrition, de choléra et de COVID-19.
Le Yémen connaît actuellement l’une des pires épidémies de choléra de l’histoire récente, avec plus de 1,3 million de personnes ayant contracté la maladie depuis 2017. Ce nombre n’a fait qu’augmenter depuis 2019, alors que les taux d’infection se propagent dans tout le pays. En 2020, l’épidémie de choléra pourrait être présente dans 22 des 23 gouvernorats du Yémen, les enfants de moins de cinq ans représentant 26,5 % des personnes infectées en 2020.
Effets de la crise humanitaire sur les femmes et les enfants
Avant le début du conflit, les femmes du Yémen étaient victimes de discriminations, tant en droit qu’en pratique. Cependant, cette discrimination et cette violence sexistes n’ont fait qu’être exacerbées par les actions de la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis. Les conditions de guerre, qui se caractérisent par la perte de sécurité personnelle, l’instabilité familiale, le manque d’accès aux droits et le déplacement, sont généralement considérées comme conduisant à une augmentation exponentielle de la violence sexiste, et le Yémen ne fait pas exception à la règle. Les femmes et les enfants yéménites sont plus vulnérables et davantage exposés au risque de violence sexiste, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des camps de déplacés. En outre, le conflit a non seulement privé les femmes yéménites de leur sécurité et de leur autonomie corporelle, mais aussi de leur vie. Selon le Yémen Data Project, un quart des civils tués lors de raids aériens étaient des femmes et des enfants.
Toutefois, les effets les plus néfastes de ce conflit touchent la population la plus vulnérable du Yémen : les enfants. Chaque année, 30 000 enfants yéménites meurent de malnutrition. 1,8 million d’enfants yéménites souffrent de malnutrition aiguë. Chaque jour, 400 000 enfants souffrent d’une forme de malnutrition sévère qui met leur vie en danger. En conséquence, la moitié des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition chronique. Cela fait partie d’un cercle vicieux permanent causé par des années de guerre. Au Yémen, 1,1 million de femmes enceintes ou allaitantes sont anémiques et donnent naissance à des enfants de faible poids, amorçant ainsi le cycle de la malnutrition et de la malnutrition chronique.
De plus, le conflit a considérablement impacté l’accès aux services sociaux. Depuis 2015, plus de 1 700 écoles ont été touchées par le conflit, laissant plus de deux millions d’enfants dans l’incapacité d’aller à l’école. Le conflit a non seulement entraîné la destruction d’écoles, mais aussi, en raison de la crise économique concomitante, les enseignants n’ont pas reçu leur salaire, ce qui réduit encore l’accès des enfants à l’éducation. De surcroît, les conséquences néfastes du manque d’accès à l’éducation sont très sexuées, puisque les filles sont plus susceptibles de ne pas recevoir d’éducation. Actuellement, 36 % des filles ne sont pas scolarisées, contre 24 % des garçons.
Conclusion et recommandations
En tant que membres du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, il est important que l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis soient tenus de respecter des normes élevées en ce qui concerne leur engagement en faveur des droits humains. L’implication directe de l’Arabie Saoudite et des Émirats Arabes Unis dans le conflit actuel et la crise humanitaire au Yémen constitue une violation grave de plusieurs lois humanitaires internationales et des lois de la guerre.
Par conséquent, ADHRB exhorte les gouvernements d’Arabie Saoudite et des EAU à :
● Arrêter toutes les frappes aériennes jusqu’à ce qu’une commission internationale, indépendante et impartiale puisse enquêter sur toutes les allégations d’attaques contre des civils ;
● Assurer l’approvisionnement et la distribution d’eau potable à tous les Yéménites ;
● Mettre fin aux retards dans l’importation de carburant et d’autres produits vitaux ; et,
● Mettre immédiatement fin à tous les combats et œuvrer en faveur d’un règlement politique qui mettrait fin au conflit.