Le procureur général de Bahreïn a ordonné ce matin le placement en détention de trois frères de Karbabad, soupçonnés de rassemblement illégal, en raison de leur participation à une manifestation pacifique réclamant la libération de leur frère, le prisonnier politique Mohammed Hameed Abdulla Hasan AlDaqqaq, alors que les manifestations se poursuivent dans tout le pays à la suite d’une épidémie de coronavirus à la prison de Jau, que deux autres personnes ont été arrêtées et que des dizaines d’autres sont convoquées pour être interrogées, ont déclaré aujourd’hui Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain (ADHRB) et le Bahrain Institute for Rights and Democracy (BIRD).
Un membre de la famille a informé BIRD que Yunes Hameed Abdulla Hasan AlDaqqaq (46 ans) a été convoqué ce matin au poste de police d’Exhibition à Sanabis, où on lui a demandé d’appeler ses frères, Yasser Hameed Abdulla Hasan AlDaqqaq (35 ans) et Anwar Hameed Abdulla Hasan AlDaqqaq (44 ans), et de leur demander de le rejoindre immédiatement pour l’interroger.
Yasser a ensuite informé ses proches qu’il avait été présenté aujourd’hui au procureur général de Bahreïn, soupçonné de rassemblement illégal, qui a ensuite ordonné sa détention pour sept jours supplémentaires. Les rassemblements non autorisés de plus de cinq personnes sont illégaux au regard de la législation bahreïnie, en violation de l’article 22 de la Convention internationale sur les droits civils et politiques.
Les trois hommes ont été interrogés sur leur participation à un « sit-in » d’un petit groupe dans leur village natal de Karbabad pour demander la libération de leur frère, Mohammed, qui purge une longue peine à la prison de Jau depuis 2015. Mohammed, est né avec un seul rein et souffre d’une série de pathologies liées à la drépanocytose, ce qui a nécessité qu’il subisse une splénectomie.
Pendant son emprisonnement, Mohammed aurait été soumis à la torture et s’est plaint de négligences médicales périodiques, ce qui a entraîné de longues hospitalisations en 2016 et 2018. Son état de santé le place dans une situation de risque accru de coronavirus, dont une épidémie s’est rapidement propagée dans le bâtiment 21 de la prison ces dernières semaines. Alors que le gouvernement n’a officiellement confirmé que trois infections, les militants locaux font état de chiffres supérieurs à 70 ; BIRD a confirmé de manière indépendante au moins 28 cas, de nouvelles infections étant signalées quotidiennement.
L’incapacité à contenir l’épidémie et les tentatives des autorités de dissimuler sa gravité ont déclenché des protestations à travers Bahreïn, avec des manifestations signalées dans au moins 28 villes et villages du pays le week-end dernier. BIRD croit savoir que des dizaines d’autres personnes ont été convoquées pour être interrogées entre le 6 et le 7 avril au sujet des protestations, tandis que des militants locaux signalent que deux autres personnes détenues seront présentées demain devant le ministère public de Bahreïn. Il s’agit d’Ali Muhanna, dont le fils est un prisonnier politique à la prison de Jau, et de Sayed Saeed, dont le fils de 15 ans, Sayed Hashem, a été tué par la police bahreïnie lors des manifestations de 2011.
Husain Abdulla, directeur exécutif d’Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain, a commenté : « Les alliés de Bahreïn en Grande-Bretagne et en Amérique doivent faire savoir clairement qu’ils ne toléreront pas l’ingérence de Bahreïn dans le droit de leurs citoyens à manifester. Le fait qu’ils ne parviennent pas à contrôler leur allié ne fait qu’enhardir le régime ; ces prisonniers politiques doivent être libérés immédiatement et sans condition.*«
Sayed Ahmed Alwadaei, directeur de l’Institut bahreïni pour les droits et la démocratie, a commenté : « Chaque fois que des personnes à Bahreïn descendent pacifiquement dans la rue pour demander la libération de membres de leur famille qui leur sont chers, elles sont confrontées au harcèlement judiciaire et aux intimidations des autorités. Au lieu de répondre aux demandes légitimes des manifestants, elles ont une fois de plus réagi par la répression ; Bahreïn ne doit pas être autorisé à fouler aux pieds le droit de ses citoyens à la liberté de réunion.* »