Mohamed Abdulla était un charpentier de 55 ans lorsqu’il a été brutalement arrêté lors d’une descente à son domicile. Il a été torturé, harcelé sexuellement et menacé avant d’être reconnu coupable de charges fondées sur des preuves fabriquées de toutes pièces. Il se voit actuellement refuser un traitement de survie ainsi que des rendez-vous chez le médecin pour son état de santé. Il est toujours détenu au centre de détention de Dry Dock à ce jour.
Le 3 novembre 2015, des officiers masqués en civil ainsi que des forces de la police anti-émeute et des commandos dans des voitures noires ont fait une descente au domicile de Mohamed à 1h00 du matin et y sont restés jusqu’à 8h00. Des agents de sexe féminin étaient également présents pour interroger les sœurs, la femme et la mère de Mohamed. Ils ont fouillé la maison, dispersé les meubles et leur contenu, confisqué et brisé ses outils de menuiserie qu’il entreposait sur le toit, et les ont remplacés par des bombes et des armes qu’ils ont photographiées pour les utiliser comme preuves. Les autorités n’ont pas indiqué le motif de l’arrestation et n’ont pas présenté de mandat.
Par la suite, il a été emmené aux enquêtes puis au centre de détention de Dry Dock. Pendant son séjour au CID, Mohamed a été battu sur tout le corps et entre les côtes, harcelé sexuellement, maudit, insulté et suspendu aux escaliers pendant une longue période. Les agents du CID ont également menacé de s’en prendre à sa mère et à sa femme. Il a été privé de sommeil, de l’accès aux toilettes, et on l’a empêché de prier. En outre, il a été placé à l’isolement et s’est vu refuser tout traitement. Les autorités ont torturé Mohamed afin de lui extorquer des aveux sur des charges prédéterminées, et il a fini par avouer pour que cessent les tortures. L’enquête a duré trois mois, pendant lesquels il a été maintenu dans une pièce froide, et son avocat n’a pas été autorisé à y assister.
La famille de Mohamed pense que la raison de l’arrestation est le fait qu’il est recherché depuis la crise des années 1990, et qu’il est resté caché jusqu’au cycle des libérations. Mohamed est ensuite retourné dans sa maison et vit normalement. Avec le début des manifestations de 2011 et la présence des services de renseignement dans le village, l’attention s’est portée sur Mohamed et des arrestations arbitraires ont eu lieu, qui ont fini par l’inclure également. Mohamed n’a pas eu le temps et les installations nécessaires pour se préparer au procès et n’a pas pu contester les preuves présentées contre lui.
Mohamed a été condamné à la prison à vie le 15 mai 2018 pour formation et possession d’armes un procès de masse appelé « Brigades Zulfiqar », où 115 des 138 accusés, pour la plupart des médecins, des ingénieurs et des enseignants, ont été reconnus coupables de charges liées au terrorisme. En outre, sa citoyenneté a été révoquée, mais a ensuite été rétablie après l’octroi d’une grâce royale en avril 2019. La Cour d’appel a confirmé sa condamnation ainsi que celle de tous les accusés dans cette affaire le 28 janvier 2019, tout comme la Cour de cassation. Après l’émission du jugement, Mohamed a été transféré à la prison de Jau.
Le 14 octobre 2019, cinq bureaux des procédures spéciales de l’ONU ont envoyé une lettre d’allégation à Bahreïn concernant le procès des soi-disant Brigades Zulfiqar, faisant suite à une communication envoyée le 5 novembre 2018 qui comprenait des détails sur les disparitions forcées et la torture pour obtenir des aveux et des pratiques de procès inéquitables, y compris le refus de contacter un avocat. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire a également émis un avis sur ces affaires.
Mohamed souffrait de problèmes d’estomac avant son arrestation et son traitement nécessitait des pilules que sa famille devait lui fournir pendant sa détention. Après son emprisonnement, les pilules lui ont été refusées. Après son arrestation et pendant cinq ans, son état s’est détérioré en raison du manque de pilules et du refus d’examens par un spécialiste. Son état s’est aggravé jusqu’à ce que Mohamed, aujourd’hui âgé de 61 ans, en vienne à vomir du sang et soit donc transféré à l’hôpital Salmaniya, où il est resté du 16 novembre 2020 au 22 novembre 2020, et n’a toujours pas été présenté à un spécialiste pour diagnostiquer son état. Il avait deux rendez-vous pour rencontrer un médecin le 8 décembre 2020 et le 6 janvier 2021, qui ont été annulés. Le 10 février 2021, il a été emmené à l’hôpital Salmaniya en raison de la détérioration de son état de santé et on lui a prescrit des médicaments pour une période de 6 mois, mais il ne les a toujours pas reçus. Il est actuellement en isolement médical au centre de détention de Dry Dock.
Alors que la famille avait initialement choisi de ne pas déposer de plainte par crainte de représailles de la part des autorités, elle a déposé une plainte auprès du bureau du médiateur le 20 janvier 2021 en raison de la détérioration de l’état de santé de Mohamed, mais n’a reçu aucune réponse. Le 3 février 2021, la famille s’est rendue au NIHR afin d’examiner et d’obtenir le numéro de la plainte qu’elle avait déposée auprès de l’Ombudsman, mais elle n’a pas non plus obtenu de réponse.
Le traitement que Mohamed a subi aux mains des autorités bahreïnies, depuis son arrestation jusqu’à la privation des médicaments nécessaires, en passant par la torture et les mauvais traitements subis pendant sa détention, constitue une violation de la constitution bahreïnie ainsi que du droit international, notamment de la Convention contre la torture (CAT), du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR) et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (ICESCR), tous ratifiés par le Bahreïn. L’ADHRB demande aux autorités d’abandonner les charges présélectionnées contre Mohamed et d’enquêter sur les allégations de torture et de traitement inhumain par les agents du CID afin de tenir ces agents responsables. Enfin, l’ADHRB exhorte les autorités bahreïniennes à fournir à Mohamed les médicaments et les soins médicaux nécessaires, et à fournir des soins médicaux adéquats et en temps utile à tous les prisonniers qui en ont besoin.