Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (WGAD) a adopté un avis le 26 novembre 2020, concernant Ali Mahdi Abdulhusain Mohamad Alaiwi, Hasan Asad Jasim Jasim Nesaif, Habib Hasan Habib Yusuf, Ali Ahmed Ali Ahmed Fakhrawi, Mohamed Ahmed Ali Ahmed Fakhrawi, et Nooh Abdulla Hasan Ahmed Hasan Al Amroom.
Dans son avis, le Groupe de travail a déterminé que les six cas démontrent un mécanisme d’arrestation sans mandat et l’utilisation de la torture par les fonctionnaires pour obtenir des aveux, en violation du droit international. Le Groupe de travail demande au gouvernement du Bahreïn de prendre les mesures nécessaires pour remédier sans délai à la situation et la mettre en conformité avec les normes internationales pertinentes, notamment celles énoncées dans la Déclaration universelle des droits humains et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cela inclut la libération immédiate et inconditionnelle des prisonniers qui restent en détention. Le Groupe de travail considère que, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, la solution appropriée serait de libérer immédiatement MM. Alaiwi, Nesaif, Yusuf, Ali Fakhrawi, Mohamed Fakhrawi et Amroom et de leur accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d’autres réparations, conformément au droit international. Dans le contexte actuel de la pandémie de COVID-19 et de la menace qu’elle représente dans les lieux de détention, le Groupe de travail demande au gouvernement de prendre des mesures urgentes pour assurer leur libération immédiate.
En pratique, Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain (ADHRB) reçoit régulièrement des informations de la part d’individus bahreïnis et utilise leurs témoignages comme preuves essentielles dans les plaintes déposées par les Nations Unies (ONU). ADHRB se félicite de cet avis de l’ONU et demande instamment aux autorités bahreïnies de suivre les recommandations sans délai.
Le Groupe de travail est l’un des bureaux des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Dans le cadre de ses procédures régulières, le Groupe de travail envoie des lettres d’allégation aux gouvernements concernant des cas crédibles de détention arbitraire. Le Groupe de travail peut également rendre des avis sur le caractère arbitraire ou non de la détention d’un individu ou d’un groupe, en violation du droit international. Le Groupe de travail examine les cas selon cinq catégories de détention arbitraire : lorsqu’il est clairement impossible d’invoquer une base légale justifiant la privation de liberté (catégorie I) ; lorsque la privation de liberté résulte de l’exercice des droits à l’égale protection de la loi, à la liberté de pensée, à la liberté d’opinion et d’expression, et à la liberté de réunion, entre autres (catégorie II) ; lorsque les violations du droit à un procès équitable sont si graves que la détention est rendue arbitraire (catégorie III) ; la détention administrative prolongée des réfugiés et des demandeurs d’asile (catégorie IV) ; et lorsque la détention est discriminatoire en raison de la naissance, de l’origine nationale, ethnique ou sociale, de la langue, de la religion, de la condition économique, des opinions politiques ou autres, du sexe, de l’orientation sexuelle, du handicap ou de toute autre situation (catégorie V).
Dans le présent avis, le Groupe de travail constate que les six individus : Ali Mahdi Abdulhusain Mohamad Alaiwi, Hasan Asad Jasim Jasim Nesaif, Habib Hasan Habib Yusuf, Ali Ahmed Ali Ahmed Fakhrawi, Mohamed Ahmed Ali Ahmed Fakhrawi, et Nooh Abdulla Hasan Ahmed Hasan Al Amroom, actuellement incarcérés à la prison de Jau, ont été illégalement condamnés et ont subi une série de violations illégales des droits humains.
Les dates de leur arrestation s’échelonnent de mai 2011 à septembre 2015. Les violations présumées concernent des arrestations sans mandat, des disparitions forcées et des actes de torture. Les méthodes de torture les plus courantes signalées sont les coups sur tout le corps, la privation de sommeil, la détention dans des chambres froides et les menaces contre les membres de la famille. Deux des accusés étaient mineurs au moment de leur arrestation (Ali Mahdi Abdulhusain Mohamad Alaiwi et Hasan Asad Jasim Jasim Nesaif). En raison des tortures qui leur ont été infligées, au moins quatre des accusés ont signé des aveux sur les charges qui leur ont été attribuées.
Les accusés se sont tous vu refuser l’accès à leurs avocats, ou n’ont été autorisés qu’à un accès limité à certaines périodes. Le Groupe de travail a constaté un comportement constant des autorités bahreïniennes qui ne fournissent pas les mandats d’arrêt ou les raisons des arrestations. Une notification rapide des charges n’est souvent pas fournie, ce qui suggère que le non-respect des procédures d’arrestation est un problème systémique. En effet, le Groupe de travail a signalé que les six personnes avaient été arrêtées sans mandat ; le gouvernement n’a pas répondu à cette allégation.
De plus, aucun des individus n’a été traduit rapidement devant une autorité judiciaire pour contester la légalité de sa détention. Après son arrestation, M. Mohamed Fakhrawi a été soumis à une disparition forcée pendant trois mois. Le gouvernement a déclaré que les allégations selon lesquelles les autorités avaient eu recours à la disparition forcée n’étaient pas fondées. Cependant, le gouvernement n’a pas donné de détails sur le lieu précis où se trouvaient les personnes après leur arrestation, ni d’informations suggérant que leurs familles et leurs avocats connaissaient leur sort ou leur localisation. Ces cas de disparitions forcées violent les articles 9 et 14 du PIDCP et constituent une forme particulièrement aggravée de détention arbitraire. M. Mohamed Fakhrawi et M. Amroom ont également été placés hors de la protection de la loi, en violation de l’article 6 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de l’article 16 du Pacte. De plus, alors que M. Yusuf a pu appeler et informer son proche le jour de son arrestation qu’il était détenu au CID, les autorités l’ont ensuite détenu au secret et interrogé pendant 25 jours sans la présence d’un avocat.
Les six personnes ont été soumises à des actes de torture et à des mauvais traitements, qui ont abouti à des aveux forcés dans au moins quatre des cas. Le Groupe de travail se déclare gravement préoccupé par les allégations de torture et/ou de mauvais traitements lors de l’arrestation et/ou de la détention de MM. Alaiwi, Nesaif, Yusuf, Ali Fakhrawi, Mohamed Fakhrawi et Amroom. Le Groupe de travail note que, dans certains cas, le gouvernement a déclaré avoir enquêté sur ces allégations, mais que les dossiers ont été classés ou archivés.
Quatre cas sont présentés comme une privation de liberté de catégorie I, sans justification légale de la détention, et les six cas sont présentés comme des privations de liberté de catégorie III, montrant une pratique régulière d’arrestations et de perquisitions sans l’autorisation requise pour le faire, ou d’autres violations des droits à un procès équitable, y compris le manque d’accès à un avocat, des audiences menées par contumace, et des aveux obtenus par la torture utilisés dans les procédures judiciaires. Dans le cas des deux mineurs, Ali Mahdi Abdulhusain Mohamad Alaiwi et Hasan Asad Jasim Jasim Nesaif, plusieurs de leurs droits au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant ont été violés par le gouvernement de Bahreïn. Ces droits comprennent : le droit à un accès rapide à une assistance juridique, à une assistance pour la préparation de leur défense et à une audience équitable en présence d’un avocat.
Toutes les personnes ont eu un accès restreint à une représentation juridique. La source allègue que MM. Alaiwi, Nesaif, Yusuf, Ali Fakhrawi, Mohamed Fakhrawi et Amroom n’ont eu qu’un accès limité, voire aucun accès, au conseil juridique de leur choix après leur arrestation et/ou pendant la procédure. Le gouvernement a déclaré que l’assistance juridique était fournie à tous les individus, conformément au Code pénal. Toutefois, le Groupe de travail note que le Gouvernement n’a pas étayé davantage son affirmation. De l’avis du Groupe de travail, le Gouvernement n’a pas respecté le droit à l’assistance juridique de MM. Alaiwi, Nesaif, Yusuf, Ali Fakhrawi, Mohamed Fakhrawi et Amroom, qui est inhérent au droit à la liberté et à la sécurité de la personne ainsi qu’au droit à un procès équitable et public devant un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi, conformément aux articles 3, 9, 10 et 11 1) de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Le Groupe de travail note que la source a déclaré que les six personnes n’avaient pas été traduites rapidement devant un juge. Le Gouvernement a expliqué, dans sa réponse, que toutes les personnes ont été interrogées par le ministère public, qui a ensuite ordonné leur placement en détention. Le Groupe de travail rappelle que, si les normes internationales énoncées dans la jurisprudence du Groupe de travail prescrivent que la personne arrêtée doit être présentée à un juge dans les 48 heures, une norme plus stricte de 24 heures est applicable à MM. Alaiwi et Amroom en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant. En outre, ces personnes ont été présentées au ministère public, qui ne peut être considéré comme une autorité judiciaire aux fins de l’article 9 (3) du Pacte.
La réponse du gouvernement, qui indique que les six personnes ont bénéficié de la présence d’un avocat lors de leur procès, n’aborde pas le fait que les avocats n’ont pas été autorisés à être présents lors des interrogatoires, ni le temps limité accordé à la consultation avant et pendant le procès. De toute évidence, le principe selon lequel toute personne privée de liberté a droit à un avocat à tout moment de sa détention, y compris immédiatement après son arrestation, n’a pas été respecté. Les individus n’ont pas non plus bénéficié de leur droit à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de leur défense et à communiquer avec le conseil de leur choix, ainsi que de leur droit à présenter une défense effective, conformément aux articles 14(3)(b) et 14(3)(d) du Pacte. Ali Alaiwi, Mohamed Fakhrawi, Hasan Nesaif, Habib Yusuf, Ali Fakhrawi et Nooh Al Amroom n’ont eu aucune communication avec l’avocat et n’ont même pas été autorisés à rencontrer leurs avocats avant le début de leur procès. En tant que mineur, les droits de M. Hasan Nesaif à une assistance juridique pour la préparation de sa défense et à une audience équitable en présence d’un avocat en vertu de l’article 40(2)(b)(ii) et (iii) de la Convention ont également été violés, ainsi que son droit à un accès rapide à l’assistance juridique en vertu de l’article 37(d) de la Convention relative aux droits de l’enfant.
Selon le Groupe de travail, la privation de liberté d’Ali Mahdi Abdulhusain Mohamad Alaiwi, d’Hasan Asad Jasim Jasim Nesaif et de Nooh Abdulla Hasan Ahmed Hasan Al Amroom, en violation des articles 3, 8, 9 et 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, des articles 2 (3), 9 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et des articles 37 et 40 de la Convention relative aux droits de l’enfant, est arbitraire et relève des catégories I et III. Dans certaines circonstances, l’emprisonnement généralisé ou systématique peut constituer un crime contre l’humanité.
À la lumière de ces conclusions, le Groupe de travail demande au gouvernement du Bahreïn de prendre les mesures nécessaires pour remédier sans délai à la situation de MM. Alaiwi, Nesaif, Yusuf, Ali Fakhrawi, Mohamed Fakhrawi et Amroom et la rendre conforme aux normes internationales pertinentes, notamment celles énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
À cette fin, le Groupe de travail recommande à Bahreïn de libérer les six personnes qui restent en détention et de leur accorder à toutes un droit exécutoire à une compensation et à d’autres réparations, conformément au droit international. Dans le contexte actuel de la pandémie de COVID-19 et de la menace qu’elle représente dans les lieux de détention, le Groupe de travail demande au gouvernement de prendre des mesures urgentes pour assurer leur libération immédiate.
Le Groupe de travail prie instamment le Gouvernement bahreïnite de veiller à ce qu’une enquête complète et indépendante soit menée sur les circonstances entourant la privation arbitraire de liberté des six personnes, afin que les auteurs de ces actes soient tenus responsables. Le Groupe de travail serait également heureux d’avoir l’occasion de s’engager de manière constructive avec le gouvernement du Bahreïn par le biais d’une visite de pays.
ADHRB soutient pleinement les recommandations du Groupe de travail et se fait l’écho de ses appels à la libération immédiate des six personnes actuellement détenues. Nous saluons également le commentaire du Groupe de travail sur le droit de contester la légalité de la détention devant un tribunal, le droit à un procès équitable et le droit à la liberté d’opinion et d’expression.