Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain (ADHRB) a soumis une déclaration écrite au Conseil des droits de l’homme lors de sa 46e session concernant les prisonniers politiques à Bahreïn.
Prisonniers politiques à Bahreïn
Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain (ADHRB) se réjouit de cette occasion offerte par la 46ème session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, d’attirer l’attention sur les mauvais traitements infligés aux prisonniers politiques à Bahreïn. Depuis le début du mouvement pro-démocratie en 2011, le gouvernement bahreïni a détenu, fait disparaître, torturé et tué de nombreux journalistes, opposants politiques, personnalités religieuses et défenseurs des droits humains qui ont critiqué le gouvernement. Ces violations graves des droits humains des prisonniers politiques violent également les règles Mandela.
Contexte
En 2011, des milliers de Bahreïnis se sont rassemblés pacifiquement afin de protester contre le manque de droits humains et de démocratie dans le pays. Depuis lors, les représentants du gouvernement bahreïni ont mené une campagne continuelle et systématique de représailles, d’intimidation et de torture contre les défenseurs des droits humains dans le pays. Le gouvernement a recouru à l’arrestation, la torture, l’exécution extrajudiciaire et l’emprisonnement des défenseurs des droits humains, des journalistes, des opposants politiques, et des personnalités religieuses. En raison de cette politique de représailles, des milliers de prisonniers politiques sont actuellement détenus à Bahreïn. Ces prisonniers détenus à tort avaient déjà été soumis à l’abus, la torture, les mauvais traitements et le manque d’accès aux soins médicaux avant le début de la pandémie de COVID-19. Le début de cette dernière a aggravé la situation et rendu leur libération immédiate d’autant plus urgente.
En mars 2020, le ministère de l’Intérieur de Bahreïn a libéré 1.486 détenus pour des raisons humanitaires lors de la pandémie de COVID-19 et gracié 900 d’entre eux tandis que 585 ont reçu des peines alternatives. Cependant, les prisonniers politiques n’ont représenté que 300 des individus libérés et aucun d’entre eux n’était dirigeant politique ou un important défenseur des droits humains. En outre, les représentants du gouvernement ont échoué à prendre des mesures concrètes afin d’empêcher la propagation du virus dans les prisons, d’où le risque très élevé parmi les prisonniers de contracter la COVID-19. Cette situation est d’autant plus préoccupante que les prisons du Bahreïn ont déjà été critiquées à plusieurs reprises par les Nations unies en raison de l’absence d’installations sanitaires adéquates et les graves mauvais traitements infligés aux prisonniers. Une lettre envoyée par huit rapporteurs spéciaux de l’ONU au gouvernement bahreïni relate une série d’abus perpétrés par le personnel pénitentiaire, dont des négligences médicales, de la discrimination religieuse et du harcèlement qui constituent des violations de plusieurs traités internationaux relatifs aux droits humains notamment l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, également appelé “Règles Nelson Mandela.”
Par exemple, la principale prison de Bahreïn, le centre de réhabilitation et de réforme de Jaw, compte plus de 2.000 prisonniers enregistrés et n’a pourtant que deux médecins (un seul par rotation) et pas plus de deux ou trois membres du personnel médical travaillant en même temps. Par ailleurs, les médecins employés par les autorités carcérales sont des médecins généralistes. Il n’y a pas de personnel spécialisé et il y a un manque d’équipements de diagnostic tels que les appareils à rayon X. C’est un oubli mortel étant donné l’actuelle pandémie de COVID-19. En outre, cette négligence médicale signifie que les personnes souffrant de maladies chroniques ont souvent besoin d’être transférées vers des structures médicales extérieures, ce qui leur est régulièrement refusé.
Compte tenu de ces faits, ADHRB se concentra sur les cas d’Hasan Mushaima, d’Abdulhadi al-Khawaja et d’Abduljalil al-Singace, sur leurs mauvais traitements pendant la détention et sur les violations des règles Mandela.
Hasan Mushaima
Hasan Mushaima est le chef de l’opposition politique à Bahreïn, professeur et secrétaire-général du mouvement al-Haq. Mushaima était un membre fondateur d’Al Wefaq – le plus grand mouvement d’opposition politique avant sa dissolution par le gouvernement – et personnage important du soulèvement de 1994 à Bahreïn. Les représentants gouvernementaux ont arrêté et condamné Mushaima à la réclusion à perpétuité en 2011 pour sa participation aux manifestations pacifiques pro-démocratie. En 2021, Mushaima est âgé de 73 ans et il a passé la dernière décennie en prison. Il a survécu à un lymphome et au diabète. Cependant, malgré ses maladies, les autorités pénitentiaires lui ont refusé le dépistage du cancer et des soins médicaux adéquats pendant sa détention. En outre, le personnel pénitentiaire a forcé Mushaima à assister aux rendez-vous médicaux menottés. Il a refusé et par conséquent, n’a pas reçu de traitement médical.
Abdulhadi al-Khawaja
Abdulhadi al-Khawaja est un important défenseur bahreïni des droits humains. Il est le fondateur et l’ancien président du Bahrain Center for Human Rights (BCHR). Al-Khawaja a été violemment arrêté par des représentants gouvernementaux en 2011 pour son implication dans le mouvement pro-démocratie et condamné à la réclusion à perpétuité. Pendant sa détention, les autorités carcérales l’ont soumis à diverses représailles, dont la torture, les mauvais traitements et la confiscation de ses biens personnels. En novembre 2017, les autorités ont également restreint son accès à la télévision, à la radio et aux livres.
Dr. Abduljalil al-Singace
Abduljalil al-Singace est professeur, ingénieur en mécanique, blogueur et militant des droits humains. Al-Singace a été condamné à la réclusion à perpétuité en 2011 pour sa participation au mouvement pro-démocratie. Malgré sa longue histoire médicale, depuis 2013, les autorités bahreïnies ont régulièrement ignoré ses demandes de soins médicaux pour la poliomyélite, qui l’a laissé paralysé depuis l’enfance. Pendant son incarcération, les autorités carcérales l’ont soumis à la torture et aux abus sexuels. Les mauvais traitements systémiques et cruels auxquels al-Singace a été soumis ont contribué à la détérioration de sa santé et l’ont incité à faire une grève de la faim en signe de protestation.
Les violations des Règles Nelson Mandela
Dans son traitement de ces trois prisonniers politiques, le gouvernement bahreïni a évidemment violé plusieurs règles Mandela. Tout d’abord, la torture et l’abus vécus par les détenus et le manque de responsabilité pour ces actions sont en violation des règles 1, 37, 39, 43 et 71 des Règles Mandela. Ces dernières interdisent la torture et autres traitements cruels et dégradants et stipulent que des enquêtes doivent être menées par les autorités compétentes au cas où de tels abus se produiraient.
En outre, le manque d’accès aux soins médicaux adéquats vécu par les défenseurs des droits humains et l’utilisation humiliante de moyens de contention tels que les menottes sont en violation des règles 5, 25.1, 27, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 42, 46, 47, 48 et 49. Le refus d’accès à la télévision, à la radio et aux livres est en violation des règles 3, 4.2, 5 et 64. Finalement, le manque d’hygiène et les conditions de logement inhumaines présentent un risque substantiel pour la santé étant donné la pandémie en cours et les maladies préexistantes des détenus. Les conditions des prisons à Bahreïn sont en violation des règles 5, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19 et 21.
En effet, étant donné le bref aperçu des conditions horribles auxquelles les prisonniers politiques à Bahreïn sont soumis, il aurait été plus prudent d’exposer les règles Mandela que le gouvernement n’a pas violé. Il est clair que la culture d’impunité qui caractérise la crise des droits humains à Bahreïn s’applique également au système carcéral. En outre, cette culture systémique d’impunité a peu de chance de s’améliorer sans la pression continue de la communauté internationale, puisque le début de la pandémie n’a eu aucun effet sur les mauvais traitements des défenseurs des droits humains par le gouvernement.
Conclusion et recommandations
En tant que membre du CDH, Bahreïn doit être tenu à des normes élevées en matière des droits humains. Les conditions cruelles et inhumaines des prisons et les mauvais traitements des prisonniers politiques à Bahreïn sont en violation du droit international humanitaire et également des Règles Nelson Mandela qui stipulent les règles minima pour le traitement des détenus. En conséquence, ADHRB demande au gouvernement de Bahreïn de :
- Abandonner toutes les charges pesant contre les défenseurs des droits humains en raison de leur activisme ;
- Libérer tous les prisonniers politiques détenus sans charge ou sur la base de fausses accusations ;
- Veiller à ce que tous les prisonniers bénéficient des soins médicaux nécessaires et adéquats ;
- Garantir que les prisons respectent les normes minimum d’hygiène ;
- Mener des enquêtes indépendantes et impartiales sur les allégations de mauvais traitements et de torture et tenir les auteurs responsables ;
- Mettre fin à la campagne systémique de représailles contre les défenseurs des droits humains ; et
- Prendre des mesures immédiates pour mettre fin à la culture d’impunité à Bahreïn.