20 avril 2021 – Plusieurs prisonniers politiques de la prison de Jau à Bahreïn restent sans contact avec l’extérieur et ne peuvent pas contacter leurs familles après avoir été agressés par la police anti-émeute.
Le samedi 17 avril, la police est entrée dans le bâtiment 13 et a violemment attaqué au moins 35 détenus qui avaient organisé une manifestation contre les mauvaises conditions de détention, ont déclaré les organisations Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain (ADHRB) et Bahrain Institute for Rights and Democracy (BIRD).
Selon un témoin oculaire qui s’est entretenu avec le BIRD, l’attaque a commencé après que des prisonniers des cellules 3 et 8 du quartier 2 du bâtiment ont tenu un » sit-in » dans les couloirs de la prison, refusant de retourner dans leurs cellules. L’attaque aurait été menée par les capitaines Ahmed Al-Emadi et Muhammad Abdul Hamid, officiers supérieurs de la police, et aurait été filmée par des caméras de vidéosurveillance et des enregistrements effectués par la police anti-émeute.
En plus d’être battus, plusieurs prisonniers auraient été jetés au sol, face contre terre, à plusieurs reprises. Un détenu, Sayed Alawi Alwadaei, a perdu connaissance après avoir subi une profonde blessure à la tête, dont le sang aurait coulé abondamment. Un autre détenu, Saeed Abdulemam, a été vu emporté par la police. L’état actuel de ces personnes et l’endroit où elles se trouvent sont actuellement inconnus ; les membres de leur famille n’ont pas pu les contacter et les autorités pénitentiaires ont refusé de divulguer toute information quant à l’endroit où elles se trouvent.
Peu après l’attaque, le Ministère de l’Intérieur de Bahreïn a publié une déclaration proclamant que » des procédures sécuritaires et juridiques ont été engagées aujourd’hui contre [les prisonniers], au cours desquelles ceux-ci ont été impliqués dans le trouble et la violence contre le personnel de police « . Le 18 avril, l’Institut National des Droits de l’Homme de Bahreïn, un organisme de surveillance quasi-gouvernemental, a démenti toutes les allégations selon lesquelles les prisonniers auraient été maltraités, déclarant que « les allégations selon lesquelles les [prisonniers] auraient été battus et transférés dans un lieu inconnu sont inexactes ».
Plus d’une douzaine de membres des familles de prisonniers politiques, dont certains ont été blessés lors de l’attaque, se sont rendus à la prison pour tenter de localiser leurs proches emprisonnés. Bien qu’on leur ait promis qu’ils seraient autorisés à appeler chez eux dans les deux jours, les familles signalent que leurs proches n’ont toujours pas été autorisés à passer des appels téléphoniques.
Le sit-in était une réaction aux mauvaises conditions de détention et à l’introduction de mesures punitives à l’encontre des prisonniers des bâtiments 12, 13 et 14, notamment l’enfermement dans leur cellule 24 heures sur 24 et la suspension des appels téléphoniques. Ces bâtiments surpeuplés, qui sont réservés uniquement aux prisonniers politiques, abritent 723 détenus, alors que leur capacité d’accueil n’est que de 576 ou 192 détenus par bâtiment. Les tensions ont été exacerbées par le décès d’un éminent prisonnier politique, Abbas Malallah, le 6 avril 2021, à la suite d’allégations de négligence médicale de la part des autorités pénitentiaires.
Alors que le ministère de l’Intérieur de Bahreïn n’a officiellement confirmé que trois cas au sein de la prison de Jau, le COVID-19 s’est rapidement propagé dans plusieurs bâtiments pénitentiaires depuis fin mars. BIRD a vérifié de manière indépendante 33 cas, tandis que le 18 avril, un prisonnier a déclaré à BIRD qu’au moins 130 détenus étaient guéris du virus. L’épidémie a suscité d’importantes protestations dans tout le pays, des manifestations ayant été signalées dans au moins 28 villes et villages. En réaction, Bahreïn a arrêté des dizaines de personnes pour avoir enfreint les restrictions du COVID-19, et des membres de la famille d’éminents prisonniers politiques ont été arrêtés et inculpés.
Husain Abdulla, directeur exécutif de l’organisation Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain (ADHRB), a déclaré : « Les espoirs que l’administration Biden puisse freiner les impulsions les plus autoritaires de Bahreïn ont été de plus en plus dissipés dans la mesure où le régime continue à renforcer la répression. Les alliés occidentaux de Bahreïn doivent condamner sans réserve cette attaque lâche contre les prisonniers politiques.«
Sayed Ahmed Alwadaei, directeur du Bahrain Institute for Rights & Democracy (BIRD), a commenté : « Cette attaque brutale et coordonnée contre des prisonniers politiques est la plus importante depuis mars 2015 et constitue clairement une réponse à la colère croissante du public face à leur incapacité à contrôler la propagation du coronavirus dans les prisons de Bahreïn. Les familles des personnes blessées lors de l’attaque sont accablées d’inquiétude quant au sort de leurs proches ; Bahreïn doit immédiatement clarifier le lieu où ils se trouvent et leur permettre d’appeler leurs proches.«